lundi 31 décembre 2018

Dans le malheur qui me frappe, accablé de tourments, De profundis clamavi ad te, dit Syméon Claudex, et c'est un réconfort pour mon cœur blessé que de te savoir à mes côtés, patiente et attentive, muse féale de mon âme, toi qui comprends quelle est ma douleur alors qu'un odieux coup bas m'est porté ! C'est dans ce soutien sans faille que tu m'apportes que je trouverai la force de poursuivre l'écriture de mon roman minéral, dit-il encore à l'intention de celle qui partage sa vie, et qui, pourtant, ne l'entend pas, allongée dans le canapé, passionnément plongée dans la lecture du livre d'Armand Métamagnus, "De lave et de vent".

dimanche 30 décembre 2018

Syméon Claudex ne peut se résoudre à jeter aux oubliettes le produit de longs mois de travail et le fruit d'un bouillonnement créatif révolutionnaire. Sans doute ce pitoyable écrivaillon, ce Métamagnus macrominable n'a-t-il pondu qu'un ersatz laborieux de son roman minéral. Mais pour en avoir le cœur net, il faudrait s'en infliger la lecture.  

Et puis quoi encore ?, pense Syméon Claudex. Alors que lui-même déploie les richesses d'une langue réinventée pour dire la finesse et l'élégance des améthystes, des émeraudes, des rubis, ou même du sable soulevé par un tourbillon de vent chaud, il suspecte que la prose grasse et primaire de cet imposteur ne charrie que lourds pavés et poutrelles de béton, et ne connait de vent que celui qui souffle dans le crâne du scribouillard et emporte les odeurs fétides de sa pensée. Non, décidément, lire cette contrefaçon, il n'en est pas question.

Commençons plutôt par en écrire une critique, dit Syméon Claudex en cherchant les adresses électroniques des responsables des magazine Lire, Le Nouveau Magazine Littéraire, Le Matricule des Anges et Le Monde des Livres.

samedi 29 décembre 2018

Syméon Claudex est passablement déprimé. Il peine à écrire son grand roman minéral qui doit, in fine, le conduire à mener la Révolution de et dans la Littérature. Par ailleurs, l'argument minéral et venteux de son œuvre est usurpé par un détestable tâcheron dans un livre prêt à paraître. Et la seule publication qui s'annonce pour lui est celle d'un roman stupide écrit sous l'influence de son double maléfique pour le compte d'un ministre (roman qui, du reste, est bien capable de faire un succès dont il ne touchera pas un centime). Quelle misère !

- Mais que dois-je faire de tout ça ?, demande Syméon à un ami.

- La voie royale ! Prendre de la cocaïne, fréquenter des soirées décadentes en y distillant une ironie acerbe, et te lancer dans l'autofiction.

vendredi 28 décembre 2018

Ce n'est pas si grave!, dit un ami à Syméon Claudex. Ce n'est tout de même pas la première fois que deux écrivains ont la même idée ! Les romans qui en résultent sont souvent très différents. Et puis, il t'a envoyé son livre, c'est un signe de bonne volonté ! Cette période festive n'est-elle pas propice à l'apaisement et à la miséricorde ? 

- Certes, comme en témoigne sa dédicace : "Pour Syméon Claudex, larve plutôt que lave, poussière que le moindre vent malodorant balaiera sous un tapis d'oubli."

jeudi 27 décembre 2018

Hé bien, ça n'a pas tardé ! Appâtés par la nouvelle qu'une œuvre révolutionnaire est en train de s'écrire, voici déjà que rappliquent les professionnels au nez fin, pense Syméon Claudex en dégrafant la volumineuse enveloppe marquée du sceau d'une grande maison d'édition. Ce doit être un contrat détaillé, auquel le fébrile éditeur aura voulu joindre un long et obséquieux plaidoyer pour me convaincre de lui confier mon roman révolutionnaire, ajoute-t-il d'une voix chantante à l'intention de celle qui partage sa vie, tandis qu'il sort de l'enveloppe un livre au format in-octavo, feuilles raisin, reliure à la française à dos plein sous jaquette, portant le titre "De lave et de vent", sous-titré roman, et surmonté du nom de l'auteur : Armand Métamagnus.

mercredi 26 décembre 2018

Est-ce là ma malédiction ?, pense Syméon Claudex. Tout était en place pour que j'accouche d'un messie littéraire, et c'est Conan le Barbare qui se retrouve sur la page !

mardi 25 décembre 2018

"Cher journal,

Heureusement que ce pauvre Syméon Claudex s'est endormi ! J'en ai profité pour améliorer son roman révolutionnaire. Les cinquante premières pages d'une histoire trépidante ! Un mystère à propos d'un nouveau né avec des pouvoirs magiques, qui grandit dans un village où il travaille le bois, et un jour, il quitte son emploi et part à l'aventure avec des amis, et tombe amoureux d'une femme - mais personne n'aime cette femme, mais lui, il l'aime quand même. Et il y a des soldats qui le poursuivent parce qu'en fait, c'est un roi.

La prochaine fois qu'il s'endort, j'écris la suite avec des chevaliers Cathares !"

lundi 24 décembre 2018

Oui, bien sûr, répond à Syméon Claudex celle qui partage sa vie, j'ai déjà entendu parler du dogme de l'Immaculée Conception. Et il ne s'agit en aucun cas d'attendre de longues heures, devant ta page blanche, qu'une idée surgisse !

dimanche 23 décembre 2018

Bon, nous devons nous organiser, dit Syméon Claudex à celle qui partage sa vie. Il n'est pas impossible que nous recevions la visite de bergers sitôt connue la naissance de mon roman révolutionnaire. Si nous ne voulons pas être envahis par les moutons, il faudra que tu filtres les entrées.

- Mais oui, bien entendu... Et les trois types richement vêtus qui apporteront des cadeaux précieux, j'en fais quoi ?
- Des éditeurs ! Tu me les amènes immédiatement !

samedi 22 décembre 2018

Non, ce n'est vraiment pas la peine de téléphoner, dit à Syméon Claudex celle qui partage sa vie. Je pense qu'aucune église des environs n'acceptera qu'on lise les premiers chapitres de ton roman en lieu et place de la traditionnelle messe de minuit. Et encore moins de te remettre le produit de la collecte !

vendredi 21 décembre 2018

Syméon Claudex retrouve espoir : une œuvre révolutionnaire née la nuit de Noël et crucifiée par la critique quelques mois plus tard a toutes les chances de devenir un livre-culte.

Et par le rétablissement de la dîme, mes ayants droit percevront mes droits d'auteur pendant des siècles !

jeudi 20 décembre 2018

Syméon Claudex est pris d'un doute : une œuvre révolutionnaire qui naîtrait la nuit de Noël ne risque-t-elle pas de finir crucifiée par la critique littéraire quelques mois plus tard ?

mercredi 19 décembre 2018

"La concrétion stalagmitique s'élevait vers le ciel. Depuis des millénaires, goute à goute, elle croissait, et le dépôt infinitésimal de calcaire avait fini par former un cône luisant et majestueux de près de deux mètres de haut. Çà et là, des agglomérats sphériques s'étaient formés, dispersés sur toute sa hauteur et son pourtour, et le fer contenu dans l'eau leur donnait des teintes nuancées d'ocre et de rouge. Quelques fois, un rayon de soleil hivernal s'infiltrait par une anfractuosité et faisait pétiller le cône de mille feux."


Quelle étrange coutume ! se dit Syméon Claudex qui, comme il lève les yeux de son dur labeur de création, voit ses enfants accrocher avec précaution des boules de couleur aux branches d'un sapin.

mardi 18 décembre 2018

Syméon Claudex informe ses proches de son intention de ne pas participer, cette année, au réveillon de Noël. Il compte en effet travailler d’arrache-pied à son roman, jour et nuit. Il progresse à grands pas. Il tient le bon bout. Ce n'est pas le moment de se laisser distraire par quelque célébration que ce soit, d'autant qu'il n'a jamais bien compris ce qu'on trouvait de si particulier à cette fête.

- Je ne vais tout de même pas, tel un quelconque quidam, consacrer de longues heures à un banal repas de famille, alors qu'il est probable que j’accouche cette nuit-là d'une œuvre révolutionnaire destinée à changer le monde !

lundi 17 décembre 2018

Récit de Diamant, 7:16. "L'Autan soufflait et le Föhn soufflait à sa suite, et le calcaire et le schiste et la glaise reçurent dans la vallée les treize pierres précieuses qui venaient de la colline dans leur souffle."

- Je croyais que tu faisais quatre récits, dit à Syméon Claudex celle qui partage sa vie, et en voici un cinquième ?
- Oui, c'est une version apocryphe du roman.

dimanche 16 décembre 2018

Améthyste, 4:18 ."Alors l'Autan fit descendre les douze pierres précieuses dans la vallée pour qu'elles se mélangent aux éclats de schiste et aux morceaux de calcaire."

Rubis, 5:8. "La poussière de calcaire qui était rassemblée au fond du val sentit bientôt le souffle de l'Autan qui déposait les pierres dans le sable."

Jaïpur, 8:14. "Le diamant et les autres pierres furent portés par l'Autan et descendirent dans la poussière."

Émeraude, 4:2. "L'Autan souffla, emportant les pierres et la poussière."

- Oui, dit Syméon Claudex à celle qui partage sa vie, j'ai décidé d'écrire quatre versions du roman, chacune étant le récit du point de vue d'une pierre précieuse différente. Ça va faire un de ces foins !

samedi 15 décembre 2018

"Dévalait les pentes : l'Autan. Bouleversait-il le paysage ! Se détachaient du sol des amas de schiste. S'accumulaient ces éclats en tas au fond de la vallée. Arrachait, sa fureur, à la montagne des morceaux d'elle-même. Catapultait les milliers de lames de roche vers la terre gorgée de chaleur. Dansait la poussière dans l'élèvement d'une puissante colonne vers le ciel. Tournoyaient mille vaisseaux minéraux dans la ronde du début des temps."

Oui, dit à Syméon Claudex celle qui partage sa vie, je sais bien que la tradition dit "Au commencement était le Verbe", mais je trouve seulement que tu prends cela beaucoup trop au pied de la lettre !

vendredi 14 décembre 2018

"4.2. Alors le souffle vint sur la lande balayant la poussière. 4.3. Et le vent vint vers les roches et parmi elles était celles qui le tenaient pour maître. 4.4. Et il emporta l'une d'elle dans son souffle. 4.5. Et elle roula. 4.6. Et le vent dit En vérité voici ce qui doit être. 4.7. Pierre, tu es pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église."

- Si tu me demandes mon avis, dit à Syméon Claudex celle qui partage sa vie, je crains que ce nouveau style ne fasse de ton roman un véritable calvaire.

jeudi 13 décembre 2018

Syméon Claudex explique que la solitude et le silence du monastère lui ont révélé les sonorités de sa propre langue. Dans la paix de l'esprit, nourri pendant cette retraite d'une intense communion à la nature, il a pu tendre l'oreille vers les notes véritables de son œuvre. Vers le son primal et âpre de sa Littérature. Il a ressenti les rythmes et les harmonies qui sont l'ossature mystique de son roman minéral. Nous sommes dans le domaine de la transe, dit-il, tandis qu'il termine de pratiquer une tonsure au sommet de son crâne. Et ces notes, ces sons, ces rythmes, ces harmonies, se sont accordés pour offrir à son écriture une profondeur mélodique dont il ne soupçonnait pas l'existence. Tous les grands écrivains ont leur petite musique, dit-il encore. Quelle joie ! J'ai enfin trouvé la mienne !

- Ne me dis pas, répond celle qui partage sa vie, que tu comptes à nouveau nous faire écouter cette intégrale en trente-deux CD de cent messes et offices en chant grégorien ?

mercredi 12 décembre 2018

Syméon Claudex explique à sa famille combien lui fut bénéfique cette semaine de retraite. Il a, raconte-t-il, trouvé la sérénité propice à créer. Quelle paix entre ces vieux murs !, dit-il. La solitude et l'isolement ont ouvert une voie directe vers les champs fertiles de son inspiration. Il n'imaginait pas à ce point se rencontrer lui-même en ces lieux. Y faire émerger la syntaxe et le vocabulaire qui semblaient ne plus vouloir jaillir de sa plume informatique. La source n'était point tarie, en vérité, elle n'était que dissimulée au regard, dit-il encore, tandis qu'il se sert un bol de lait de chèvre. Il veut à tout prix que cette lumière continue d'éclairer son travail.

- J'entends bien, dit la femme qui partage sa vie, mais tu ne comptes tout de même pas te vêtir en permanence de cette robe de bure et de ces sandales ?

mardi 11 décembre 2018

Et vous dites, Claudex, dit le médecin, que pendant toute la durée de votre séjour au monastère, votre double maléfique ne s'est pas manifesté ? Et qu'il vous a laissé écrire trois chapitres entiers ? Sans le moindre commentaire dans son journal ?

- Il faut dire, répond Syméon Claudex, qu'avec l'Esprit-Saint qui essayait sans cesse de s'incruster dans la chambre avec ses prétentions littéraires et stylistiques, il a dû se sentir un peu à l'étroit.

lundi 10 décembre 2018

N'oubliez pas, mon ami, dit à Syméon Claudex le moine qui l'a accueilli, que c'est l'Esprit Saint qui vous inspire, et que votre œuvre doit exalter Celle du Seigneur. Votre talent doit être utilisé à encourager le monde à suivre Sa Loi ! L'auteur que vous êtes a des devoirs envers la Vérité !

- En vérité, dit Syméon Claudex, comme auteur, je préfère les droits.

dimanche 9 décembre 2018

Ne vous y trompez pas, mon ami, dit à Syméon Claudex le moine qui l'a accueilli, dans la solitude de votre chambre, tandis que vous êtes penché sur votre travail, Dieu vous voit, Il voit toutes vos fautes ! Laissez l'Esprit-Saint vous aidez à corriger vos erreurs !

- Mais je ne lui permets pas ! Mon orthographe est irréprochable ! Et je déteste qu'on lise par-dessus mon épaule !

samedi 8 décembre 2018

Vous savez, dit à Syméon Claudex le moine qui l'a accueilli, Dieu lui-même est un auteur ! Et non des moindres ! Il a bien sûr eu l'idée du grand livre de la Vie, mais plus littéralement, Il est le véritable auteur de la Bible que les hommes ont écrite en Son Nom !

- Oui, dit Syméon Claudex, j'ai vécu la même histoire avec un ministre.

vendredi 7 décembre 2018

Regardez autour de vous, mon ami, dit à Syméon Claudex le moine qui l'a accueilli. Ce paysage de pierres et de vent : n'est-ce pas exactement ce que vous transposez dans votre roman ? Et bien dans la moindre pierre, dans la moindre brise, ne sentez-vous pas la présence du Seigneur ? Dieu est ici ! Il est partout ! Et ainsi Il est parmi les pierres et le vent dans votre roman ! L'Esprit Saint remplit votre roman !

- Certainement pas !, dit Syméon Claudex. J'ai dit : pas de personnage ! J'ai déjà essayé, ce fut une catastrophe. Et il ne s'agissait que de bactéries !

jeudi 6 décembre 2018

Ce qui compte, pour que cette retraite vous soit profitable, c'est d'ouvrir votre cœur et votre âme, dit à Syméon Claudex le moine qui l'a accueilli. Vous verrez, si vous ouvrez votre esprit, vous recevrez une grande aide dans la rédaction de votre roman. L'inspiration, mon ami, peut prendre des formes que vous ne soupçonnez pas. Dès lors, laissez vous envahir par l'Esprit Saint ! Ouvrez votre chambre à Dieu !

- Ah non ! Merci bien ! Je partage déjà ma chambre avec mon double maléfique ! J'ai bien assez d'un intrus !

mercredi 5 décembre 2018

Syméon Claudex a trouvé un lieu de retraite idéal. Un vieux monastère isolé dans la forêt ardennaise propose des séjours d'une semaine dans une chambre n'offrant pour tout confort qu'un lit, une table et une chaise. Les repas sont pris en silence. Les hôtes sont éveillés à cinq heures. Et bien sûr, pas de visite, précise le moine en accueillant Syméon Claudex.

Moi, je suis d'accord, dit Syméon Claudex, mais c'est mon double maléfique qu'il faut convaincre de ne pas venir !

mardi 4 décembre 2018

Si Robinson Crusoé avait eu un brin de jugeote, il aurait profité de son île déserte pour écrire une dizaine de romans, pense Syméon Claudex en refermant l'immortel chef d’œuvre de Daniel Defoe.

lundi 3 décembre 2018

Syméon Claudex passe en revue les différentes résidences d'auteurs où il pourrait trouver quelques jours de calme et de concentration.

Le Château du Clos Saint-Eusèbe — "un havre de poésie où le parfum éternel du temps sonnera sous les lourdes frondaisons des chênes ancestraux l'appel des muses antiques". La médiathèque de Jouy-les-Gougnoles — "au premier étage de la médiathèque, un séjour simple parmi les habitants de la commune, avec l'opportunité d'animer plusieurs ateliers d'écriture pour le club Les plumes sauvages". Le Charolais Bovary — "écriture et travaux de la ferme". Pen Club La Défense — "grâce à notre séminaire d'écriture, vous apprendrez à développer vos skills pour relever le challenge de l'écriture dans une perspective de croissance créative ; You deserve the top, Champ !" L'encre des Cévennes — "Isolée sur le Causse, dans un paysage aride et rocailleux, une très ancienne bergerie en pierres et bois de châtaigner vous accueille dans une solitude bienfaisante. Votre seul voisin : un troupeau de chèvres qui paissent paisiblement sur le Causse".

Ah ! Voilà ce qu'il me faut, dit Syméon Claudex en se frottant les mains. Voyons, y a-t-il des conditions particulières...

"Attention ! Deux traites manuelles par jour !"


dimanche 2 décembre 2018

Papa, pouvez-vous, s'il-vous-plaît, relire mon devoir de français ?, demande sa cadette à Syméon Claudex. Il s'agissait d'inventer une histoire !

"Le roi des doudous regarde la licorn qui ne peu pas sortir du magasin des jouet. Alors il lui dit madame la jolie licorn il ya un mistére caché dans le magasin et moi le roi des doudous je vou demande de m'aidé à découvrir le mistére. Alors la licorn qui voit que le roi des doudou pleure parsque il a peur et il est tous seul décide quel va aidé le roi des doudous à trouver le secret du mistére avan que le méchant robo tue tous les doudou. La licorn elle aime bien le roi des doudous et aussi Julien doré et elle trouve que le roi des doudou il ressemble a julien Doré très fort. Alors à la fin ils trouvent mistère et sa fini bien."

Parfois, se dit Syméon Claudex, je me demande si, tout compte fait, le véritable père de cette petite n'est pas mon double maléfique.

samedi 1 décembre 2018

L'apprenti écrivain suit le précepte du vénérable sage Radjavaranhabati Pingalasatyajitray III : Pour écrire, fais donc le vide en toi.

Quelle erreur !, se dit Syméon Claudex en refermant le livre "La Voie Bouddhiste de l'Apprenti Écrivain". C'est AUTOUR de lui qu'il doit faire le vide !

vendredi 30 novembre 2018

Syméon Claudex a décidé que c'en était assez, et qu'il était temps de remettre de l'ordre dans son processus créatif. Voilà ce qu'il lui faut : une résidence d'écriture. Louer un petit appartement, confortable mais simple, presque spartiate, loin des distractions du monde pour entrer en lui-même et repartir du bon pied sur la route exigeante de la révolution minérale de et dans la littérature. Il a besoin de calme, de sérénité, de concentration. Du murmure sacré de la nature. De méditation, peut-être. Je veux, dit-il, trouver sous la broussaille de mon être la voie ancienne qui mène aux sources de la langue. Quatre ou cinq jours. Une semaine peut-être.

Quelle bonne idée ! dit celle qui partage sa vie en se réservant la plus grosse part. Je t'accompagne, j'ai besoin de vacances ! Alors, Berlin ? Barcelone ? Londres ? J'ai une idée ! Milan ! J'ai envie de shopping !

jeudi 29 novembre 2018

Mon cher Claudex, dit le Ministre, je vous annonce avec plaisir que mon roman sera publié à la rentrée. Mon éditeur est emballé ! Il me prédit un grand succès. Je ne suis pas peu fier du travail accompli. C'est un peu grâce à vous, finalement. Il faudra me donner votre adresse, je vous ferai envoyer un exemplaire dédicacé. Ah ! Et je me suis permis de toucher un mot de votre travail à mon éditeur, ne me remerciez pas, c'est bien naturel.

Il vous conseille d'en faire un blog. C'est gratuit, figurez-vous.

mercredi 28 novembre 2018

René Descartes se lève et tape du poing sur la table. Je pense donc je suis, dit-il d'une voix forte.
Oui mais, Je est un autre, répond Arthur Rimbaud qui se balance dans un rocking chair, les godillots crasseux posés sur un banc. Je pense donc je suis ! hurle Descartes. Les veines de son cou sont au bord d'exploser. Oui, mais Je est un autre, répond Rimbaud dans un sourire narquois. Philip K. Dick entre dans la pièce. Son costume de majordome semble un peu étroit et le gilet rayé de jaune et de noir fait des plis au niveau du boutonnage. Un petit extraterrestre se balance à la chaine en argent qu'il porte autour du cou. Mettons-nous d'accord, dit-il, Je pense donc je suis un autre. Qu'en pensez-vous Claudex ? Claudex !  Claudex ? Qu'en pensez-vous ? Je pense donc je suis un autre !

Syméon Claudex se réveille en sursaut. Ces siestes ne me valent rien, dit-il, tandis que son regard se pose sur une ligne fraîchement écrite dans le journal de son double maléfique : "Claudex pense mais seul son autre est."


mardi 27 novembre 2018

"Cher journal,
Les dernières pages du roman de Claudex sont à périr d'ennui. Des pierres, du sable, du vent... Et que ça roule un peu... Et que ça soulève des grains... C'est d'une immobilité ! Il faut dire que Claudex est lui-même tout à fait ennuyeux. Finalement, des petits cailloux secs et de la poussière à peine balayée par des gaz, je crois que j'ai compris : son roman minéral est autobiographique."

Ce double maléfique a de la chance d'être moi, pense Syméon Claudex, sinon je lui foutrais une de ces raclées !

lundi 26 novembre 2018

Laissez-le s'exprimer, ce double maléfique, dit le psychiatre à Syméon Claudex. Par exemple, vous écrivez votre roman, et vous le laissez tenir un journal ! Vous verrez, cela vous fera beaucoup de bien.

Syméon Claudex écrit son roman toute la matinée, puis s'endort pour une courte sieste. Quand il se réveille, il trouve un cahier ouvert sur le bureau. Son double maléfique a écrit une première page de journal.

"Cher journal,
Je viens de lire le début du roman de Claudex.
Bon sang, quelle merde invendable !"

dimanche 25 novembre 2018

Je vous pose la question, Monsieur Claudex, dit le psychiatre. Votre désir inconscient d'être acheté par les lecteurs fait-il de vous un vendu ?

Syméon ne sait que répondre. Il se tortille sur sa chaise. Se ronge les ongles. Se racle la gorge.

Ah! La question vous met mal à l'aise, Monsieur Claudex ? Je vous trouve un peu emprunté !

samedi 24 novembre 2018

Ainsi donc, dites-vous, quoique vous écriviez désormais, votre roman minéral est envahi par une langue régressive, presque puérile, et reproduisant les structures symboliques du roman sentimental. C'est bien cela?, dit le psychiatre à Syméon Claudex.

Et bien, c'est limpide ! C'est une forme propre à l'écrivain du complexe d’Œdipe: vous exprimez le désir inconscient d'être lu par votre mère !

vendredi 23 novembre 2018

Le_Runner_littéraire s'élance pour un parcours d'inspiration de cinq kilomètres. La foulée est bonne, pense Syméon Claudex. L'oxygène avalée par goulées fait sur ses portes de la perception l'effet d'une bourrasque ! Les idées jaillissent, brutes et informes. Elles courent devant lui et lui servent de lièvre. Il les poursuit jusqu'à les attraper toutes. Une fois rentré chez lui, ne reste qu'à les changer en littérature.

Las ! Quand il s'assied à son bureau, Syméon Claudex constate que quelqu'un a déjà allumé son ordinateur, ouvert son fichier et écrit une dizaine de phrases, faisant un pauvre usage de ses idées, simplifiées et grotesques.

Quelle poisse ! Si en plus mon double maléfique court plus vite que moi !

jeudi 22 novembre 2018

Syméon Claudex s'est mis de bonne heure au travail. Maintenant que le roman du Ministre est achevé, il va pouvoir, enfin, se retrouver seul avec lui-même et son roman minéral. La révolution m'attend pour prendre son glorieux envol, pense-t-il. Je sens que trépignent au bout de mes doigts les phrases sublimes que la littérature espère !

« L'émeraude reflétait un éclat de lune et brillait d'un désir coupant. Le Sirocco, puissant et brutal, la frôlait de toute sa virile sensualité. L'émeraude attendait impatiemment qu'il la fit rouler et la culbute contre la falaise. Jamais elle n'avait ressenti autant de chaleur pénétrer son cœur endurci. Elle s'émoussait à son contact, ne perdant rien de son irrésistible beauté. »

Ah non !, dit Syméon Claudex à son double maléfique, ça suffit comme ça ! Il faut me laisser travailler, maintenant !

mercredi 21 novembre 2018

"Après l'incendie qui avait ravagé une partie du champ d'oliviers, James avait disparu mystérieusement. Hélène était partagée entre l'inquiétude et le soupçon, mais l'amour avait déjà fait son œuvre et dans le secret de son cœur, Hélène brûlait de l'espoir de retrouver James. Son dernier baiser avait laissé sur les lèvres de cette femme indomptable une griffure incandescente. Maintenant que Breteuil était, au moins provisoirement, hors d'état de nuire, elle voulait jeter toutes ses forces dans la reconstruction du domaine et elle espérait la présence de James à ses côtés. Oh ! Breteuil finirait par se remettre de cette crise cardiaque, mais en attendant, c'est à retrouver le nouveau maître de son âme qu'elle aspirait. Hélène regarda le soleil se coucher à l'ouest, et la brise du soir agitait ses cheveux comme le fit le souffle chaud de James tout au long de leur dernière nuit.

Elle frissonna.

Je te retrouverai, James, dit-elle. Je te retrouverai.

FIN"

Ah oui ! Épatant !, dit le Ministre. Bravo Claudex ! Quelle intensité ! Vous avez écrit exactement le roman auquel je pensais. Je suis un auteur comblé !

mardi 20 novembre 2018

Les oliviers de la bastide des Templiers sous l'orage (huit tomes). Le secret du palefrenier de la colline aux loups (quatre tomes). Simon des terrils (trois tomes). Le troisième sceau secret des forgerons cathares. Le codex de la bergerie albigeoise (cinq tomes). Adaptations télévisées ??

Diantre !, se dit Syméon Claudex en parcourant le plan de travail de son double maléfique. On dirait bien qu'il a l'intention de s'incruster !

lundi 19 novembre 2018

Bon, c'est compris, les enfants ?, répète Syméon Claudex. Si vous entendez que l'on tape avec frénésie sur le clavier, si une forte odeur d'eau de Cologne s'échappe par dessous la porte en même temps qu'emplit l'espace une symphonie de Beethoven ou un concerto de Mozart, n'entrez surtout pas dans le bureau ! C'est mon double maléfique qui travaille. Ne le dérangez pas, je ne sais pas de quoi il est capable.

- Nous conduira-t-il tout de même à notre leçon de danse ?
- Vous laisser monter en voiture avec lui ? Vous n'y pensez pas ! S'il conduit aussi mal qu'il écrit !

dimanche 18 novembre 2018

Inadmissible ! C'est de pis en pis !, s'écrie Syméon Claudex devant le miroir, après avoir repris conscience en cette fin d'après-midi. Avoir pour double maléfique un mauvais écrivain qui pond trois chapitres par jour, passe encore, mais faut-il vraiment qu'il porte des chemises en soie rose et des vestes pastels, et se couvre le visage de fond de teint ?

samedi 17 novembre 2018

Tandis qu'il referme le traité de psychiatrie emprunté à la bibliothèque, Syméon Claudex se demande si, pour un écrivain, le dédoublement de personnalité pourrait s'accompagner d'un accroissement proportionnel de ses droits d'auteurs.

vendredi 16 novembre 2018

Syméon Claudex s'est assoupi. À son réveil, il constate que toutes ses notes concernant son roman minéral ont été chiffonnées. Elles encombrent désormais la corbeille et jonchent le sol comme le feuillage caduc et chu d'un chêne en automne. La couverture de son encyclopédie Roches et Minéraux du Monde, éditions Delachaux & Niestlé, semble avoir été lacérée au cutter et les pages arrachées par dizaines finissent de se consumer dans l'âtre. Il jette un œil par la fenêtre qui donne sur le jardin. Les moulins à vent que ses enfants avaient plantés ont été brisés et les restes de leurs pales en plastique dépassent sous le couvercle de la benne à ordures. Syméon se rue devant un miroir : ce sont bien ses traits ; pourtant, un étrange éclat se reflète dans ses yeux. Sa vue semble brouillée et il y a plus mystérieux : ces griffures partout sur les boiseries du bureau. Et ces touffes de poil noir et gras, pareilles à des échantillons de fourrure de quelque bête sauvage, accrochées aux accoudoirs de son fauteuil...

C'est bizarre, pense Syméon Claudex, le chat est pourtant mort depuis des mois, qui du reste était blanc.

Sur le bureau, les chapitres 21, 22 et 23 du premier tome de "Les oliviers de la bastide des Templiers sous l'orage" ont été imprimés, sans que Syméon Claudex ait le moindre souvenir de les avoir écrits.

jeudi 15 novembre 2018

"- J'ai peur de comprendre, James, dit Hélène dans un souffle haletant. Vous voulez dire que...
- Oui, Hélène, je suis le dernier des Templiers. Et je suis ici pour protéger le trésor de mes ancêtres.
Depuis qu'elle avait compris que James cachait un secret mystérieux, Hélène ne savait plus où elle en était. Son attirance pour James n'avait fait que s'accroître depuis des semaines. Elle lui avait offert sa confiance, elle brûlait de lui offrir son amour, mais elle craignait désormais qu'il ne l'eût trahie.
- Mais quel est le rapport avec moi, James ? Que voulez-vous de moi ?
- Hélène, il y a des choses que vous ignorez sur votre domaine. Des choses qui ont été cachées depuis des siècles. C'est pour vous protéger que je ne vous en ai rien dit.
- Me protéger ? dit Hélène dans un souffle inquiet. Mais me protéger de qui ? De quoi ?
 James prit une profonde inspiration. Derrière lui le soleil couchant rougeoyait sur le champ d'oliviers. Le parfum de la terre montait dans le soir.
- Hélène, dit-il, ce que je vais vous dire est un très ancien secret. Beaucoup de gens sont morts à travers les siècles pour le préserver.
- Oh James, parlez, je vous en conjure !
- Hélène... Le trésor des Templiers est en réalité un livre. Un roman minéral. S'il était révélé au monde, cela provoquerait une révolution de et dans la Littérature, c'est-à-dire un bouleversement complet de tout ce que l'humanité a considéré comme beau et vrai depuis la nuit des temps. Ce serait un cataclysme pour l'art du roman ! Un roman comme le nôtre serait en grand danger !
- Mais... dit Hélène, c'est affreux ! Quelle horreur !
- Il faut absolument que ce roman minéral ne soit jamais trouvé, Hélène. Jamais !"

En relisant ces lignes, le double maléfique de Syméon Claudex éclata d'un rire machiavélique.

mercredi 14 novembre 2018

- Dites-donc, Claudex, dit le Ministre, j'apprends par un ami que ce qui marche pour avoir des prix, de nos jours, c'est l'exofiction - du diable si je sais ce que c'est ! Rassurez-moi, ce roman-monstre que vous m'écrivez, mon ami, c'est bien de l'exofiction ?
- Pas le moins du monde, Monsieur le Ministre, l'exofiction, c'est bon pour les romanciers sans imagination.
- Un autre ton, Claudex ! N'oubliez pas que vous parlez à l'auteur de votre roman !Me dire que je n'ai pas d'imagination ! C'est un peu fort !

mardi 13 novembre 2018

Chaque jour qui passe aggrave le problème. Chaque jour qui passe, Syméon Claudex écrit de plus en plus de pages pour "Les oliviers de la bastide des Templiers sous l'orage", et il les écrit de plus en plus facilement. Et chaque jour, il écrit de moins en moins de lignes pour son roman minéral, et elles naissent dans une grande souffrance. C'est comme si le roman détestable du Ministre prenait peu à peu le dessus sur son œuvre véritable.

- Rappelle-moi, quel est ton livre préféré ? demande un ami à Syméon Claudex.
- L'étrange cas du Docteur Jekyll et de Mister Hyde, de Robert Louis Stevenson, pourquoi ?

lundi 12 novembre 2018

Vous n'allez pas y arriver, mon vieux ! Ce n'est pas si facile, de faire carrière dans le roman minéral ! Êtes-vous bien outillé, au moins ? Vous savez où creuser ? Le début du roman s'effrite, faudrait étayer ! Vous voulez vraiment continuer dans cette veine-là? Non parce que va falloir aller au charbon, Claudex, si vous voulez exploiter le filon et sortir une pépite ! Oh et qu'est-ce que vous avez mauvaise mine! Oui ! Mauvaise mine ! MAUVAISE MINE! MAUVAISE MINE ! HA HA HA HA Ha, MAUVAISE MINE, Claudex, vous avez MAUVAISE MINE ! MAUVAISE MI...

Bon sang, déjà dix sept heures dix ! crie Syméon Claudex en s'éveillant en sursaut. Encore une après-midi de fichue !

dimanche 11 novembre 2018

Non et non, bien sûr que non, je n'ai pas l'impression de me pervertir, répond Syméon Claudex à la question provocatrice qui lui est faite par celle qui partage sa vie - à parts inéquitables, soit dit en passant. J'écris cette daube pour gagner la liberté de créer des mondes inconnus où seule la Littérature et l'innovation font la Loi ! J'ai déjà écrit quinze chapitres, ce n'est pas si cher payer ! 

- Quinze chapitres ? Et quelle part de monde inconnu as-tu pu créer pour ce prix-là ?
- Huit lignes, mais ce n'est pas la question !

samedi 10 novembre 2018

"- James, écoutez-moi, je dois vous parler, dit Hélène d'une voix qu'elle ne put empêcher de trembler, trahissant le trouble qui l'envahissait.
- Je sais, Hélène, répondit James dont le corps était huilé par l'effort. Voilà, ajouta-t-il, le toit de ce cabanon est réparé. Je vous devais bien cela, Hélène.
- Oh James, depuis cette nuit d'orage où vous êtes entré dans ma vie et dans celle du domaine, vous m'avez offert plus d'aide et de soutien que quiconque dans la région, reprit Hélène. Mais...
- Oui, Hélène ?
- Mais vous êtes si mystérieux, James ! dit Hélène dans un souffle.
 Elle tourna la tête et ses cheveux blonds furent soulevés par le vent, découvrant sa nuque fine et la courbe élégante de son cou.
- Je ne sais rien de vous, James. J'ai tant de questions à vous poser, mais je vous sens si secret...
James l'interrompit d'une voix douce et plus tendre qu'à l’accoutumée.
- Que voulez-vous me demander, Hélène?
- Et bien... par exemple... Oh James, j'ai si peur de vous effrayer !
- Parlez Hélène, vous n'avez rien à craindre de moi, dit James en s'avançant vers elle.
Il pouvait sentir la caresse de ses cheveux dorés sur son visage. Ses yeux cherchaient à dire à Hélène tout ce qu'il ressentait pour elle.
- James, je vous en conjure, soyez sincère... Je... Croyez-vous, a) que la cornaline bandée est un minerai plus ou moins précieux que la vanadinite et surtout, b) pensez-vous qu'une bourrasque de Barrani venant du Nord est susceptible d'avoir la puissance suffisante pour détacher des fragments de calcaire des falaises et si oui, de quelle taille ?"

Ah ! Déjà treize heures, se dit Syméon Claudex. Mon horloge biologique me dit qu'il est temps de changer de fichier !

vendredi 9 novembre 2018

- Dites-moi, Claudex, je viens de lire dans Le Monde un manifeste qui réclame des romans-monstres. Au diable l'autofiction, paraît-il —  je ne sais pas ce que c'est mais ça m'a l'air complètement hors du coup ! Rassurez-moi, Claudex, c'est bien un roman-monstre, que vous m'écrivez, n'est-ce pas ?
- Il sera, en effet, assez laid et stupide, Monsieur le Ministre.

jeudi 8 novembre 2018

Écrire aisément ce que je méprise et peiner sur ce que j'aime : est-ce la malédiction dont je dois être victime ?, s'interroge Syméon Claudex.

mercredi 7 novembre 2018

Puisqu'il ne doit plus trier les dossiers, Syméon Claudex passe les matinées sur le roman du Ministre, ce qui lui permet de consacrer les après-midis à son roman minéral. De longues après-midi de création pure et noble, sans être empêché par de vulgaires tâches administratives.

Le roman du Ministre avance à grands pas : les personnages prennent de l'épaisseur, s’enracinent profondément dans la terre avec les oliviers ; ils se frottent les uns aux autres, mus par la diabolique mécanique d'un auteur inspiré. Syméon Claudex écrit avec célérité, et tandis qu'il couche sur le papier une scène, un dialogue ou un paysage de Provence, une autre scène naît à son esprit et se construit sans qu'il lui soit nécessaire de reprendre son souffle. Il sent la fragilité d'Hélène cachée sous sa carapace. La duplicité de Breteuil n'a pas de secret pour lui. Comme cette prose est facile à écrire ! Quelle rigolade ! Cinquante pages ont fleuri en quelques jours à peine !

- C'est formidable, mon vieux!, dit le Ministre à Syméon Claudex. Et votre propre roman minéral,ça avance ?
- Huit lignes, Monsieur le Ministre.

mardi 6 novembre 2018

" - C'est la terre de ma famille, Breteuil, vous comprenez ? Mon mari est mort ici ! Rien ne me fera partir, vous m'entendez ? Rien !"

Hélène tremblait comme une feuille. La colère se mêlait à la détermination chez cette femme que l'adversité avait durcie comme le bois de ses oliviers.
" - Soyez raisonnable, Hélène. Vous ne ferez pas le poids. Ce qui se passe ici vous dépasse."
La voix d'Edmond Breteuil était calme mais tout dans son attitude semblait menaçant.
" - Allez-vous en, cria Hélène, partez de chez moi, Breteuil !
- Je veux vos terres, Hélène, vous m'entendez ? Je veux vos terres et je les aurai !"

Ah ça part bien ! Je suis déjà pris ! Quelle femme ! Quel caractère ! Excellent Claudex, continuez ! Je me réjouis déjà d'être l'auteur de votre roman !

lundi 5 novembre 2018

Monsieur Claudex, votre supérieur m'a fait part de votre petite manœuvre. Nous pourrions vous renvoyer pour faute grave. Vous trainer devant des tribunaux. Détruire votre réputation. Faire de vous un paria des Lettres. Un tricard des mots. Mais si je comprends bien, ce projet de roman, "Les oliviers de la bastide des Templiers sous l'orage", Métamagnus ne va donc jamais l'écrire ?

- C'est peu probable, Monsieur le Ministre.
- Parfait ! Que diriez-vous de l'écrire en mon nom ? J'ai toujours eu envie d'être l'auteur d'un grand roman du mystère et de la sensualité !

dimanche 4 novembre 2018

Attendez, laissez-moi reprendre ça depuis le début, Claudex. Donc... Armand Métamagnus est un imposteur qui prétend lancer une révolution élémentariste dans la littérature, ce qui n'est qu'une version dévoyée de votre propre Révolution Minérale de et dans la Littérature. Pour cette raison, vous l'avez exclu de l'Internationale élémentariste par anticipation, puisque cette internationale n'existe pas encore et ne comprend de fait qu'un seul membre : vous. Ensuite, Armand Métamagnus vous a refusé une priorité de droite et sournoisement exploité un très léger c'est votre appréciation excès de vitesse dans votre chef pour vous faire porter l'entière responsabilité de l'accident, ce qui, naturellement, vous a placé dans une situation financière délicate. Vous avez donc cherché du travail et, après divers refus et expériences malheureuses, vous avez été engagé dans notre service où le tri des demandes de bourses d'aide à la création littéraire vous a été confié, tandis que vous mettiez votre œuvre, que vous me décrivez comme fondamentale et radicalement neuve, entre parenthèses en raison des horaires exigeants de votre emploi. Lorsque la demande de subvention envoyée par Armand Métamagnus est arrivée sur votre bureau, vous avez procédé à sa destruction complète pour, dites-vous, le bien de la littérature et de la langue française. Cela, évidemment, et je peux le comprendre, vous a mis dans l'embarras dès lors que je vous ai réclamé ce dossier que le président du jury souhaitait examiner sans délai. Vous avez donc écrit un faux résumé, volontairement, dites-vous, (je vous cite), débile et racoleur, un vrai piège à décérébrés des Lettres, afin de ridiculiser Métamagnus, pardon, je reprends vos termes, dégonfler cette baudruche scriptomalfaisante de Métamagnus, lequel résumé, contre toutes vos attentes mais, selon vos termes, en parfait accord avec l'état pitoyable des goûts dominants au sein de ce peuple de taupes littéraires, a reçu un avis extrêmement favorable du Président du Jury. C'est bien ça, Claudex ?

- Tout à fait, Monsieur, et c'est pourquoi je pense sincèrement que cette bourse de neuf mille euros devrait m'être accordée. Après tout, je suis le seul véritable auteur de ce dossier !

samedi 3 novembre 2018

Vous voyez, Claudex, voilà ce que c'est que la Littérature ! Des personnages attachants. Une histoire d'amour. Un trésor caché. Des oliviers et des Templiers. Surtout des Templiers ! Le reste, c'est du temps gâché. Du pensum intellectualisant. Nous voulons de l'aventure ! Des corps qui se frôlent ! Du sentiment et de la chair humaine ! Des fluides corporels ! 

- Et vous, Claudex, votre roman en préparation, de quoi s'agit-il ?
- De la poussière et du vent, Monsieur.
- Intéressant. Pas de templiers ?

vendredi 2 novembre 2018

En équilibre depuis des millénaires sur son promontoire, la masse étincelante de gypse et de diamant dominait la vallée. Le roc majestueux n'avait point de rival. Tout au fond, au pied de l'adret, un misérable amas de charbon osait prétendre à se faire emporter par le Foehn voyageur pour répandre sa poussière crasseuse sur la noble terre et la couvrir de ses déchets. Quelle prétention ! Mais le terrifiant mégalithe veillait. Jamais il ne laisserait ce ridicule petit tas souiller la pureté minérale du monde. Venez à moi, fier Sirocco et redoutable Bech ! J'en appelle à votre puissance ! Soufflez ! Soufflez ! Poussez-moi ! Que je roule et roule et roule et écrase de toute ma gloire ce nuisible rejet carboné de notre incandescent noyau terrestre !

Claudex! Réveillez-vous, mon vieux ! Préparez immédiatement un courrier adressé à Armand Métamagnus. Le Président du Jury lui octroie, en accord avec le Ministre, une bourse spéciale de neuf mille euros pour l'exceptionnelle qualité de son projet.

jeudi 1 novembre 2018

Titre : Les oliviers de la bastide des Templiés sous l'orage

Ce roman est l'histoire du trésor des templiérs. Les templiers ont caché leur trésors sous un olivier dans un chant d'oliviers en provence .À notre époque le chanp appartient à Hélène, une femme séduisante de quarante ans qui vit seule depuis la mort de son mari (Elle ressemble à Mireille Darque). La famille des Breteuils possède toutes les terres autour de ses terres à elle et ils veulent prendre ses terres. Le patriarge de la famille Breteuil est un sale type qui s'appelle Edmond Breteuil. Hélène croit qu'il veut ses terres pour récupérer les oliviers mais en fait il est le descendant d'une famille qui étaient dans les Templiés mais qui les a trahi et il sait que le trésor est peut-être sur les terres d'hélènes. Un jour il y a un gros orage et un homme mystérieux vient se réfugié chez Hélène. Il a l'air d'avoir des secrets mais Hélène décide quand même de l'hébercher. Il faut dire qu'il est très séduisant aussi. Alors Hélène va-telle retrouver l'amour et retrouver le désir? Qui est cet homme et ses secrets et qu'est-ce qu'il a avoir avec les Templiés? Et est-ce qu'Edmond Breteuil arrivera à ces fin? "Les oliviers de la bastide des Templiés sous l'orage' est un roman plein de mystère et de secrets cachés sans oublié l'amour et la sensualité. Il sera en trois toms (tom*, tom** et tom***), ce qui va me prendre un certain temps, alors j'aurai besoin d'une bourse assez chères.
Merci d'avance.

- Attendez, Claudex, c'est ça la demande de subvention d'Armand Métamagnus ? 
- J'en ai peur, Monsieur.

mercredi 31 octobre 2018

Le week-end n'a pas offert à Syméon Claudex le gain de productivité qu'il espérait. Samedi matin, une dizaine de pages s'apprêtaient à jaillir de ses doigts, et avant même de s'y mettre il ressentait déjà la joie d'avoir écrit. Hélas, le soir de dimanche tomba sur une seule demi-page noircie de phrases bancales, aussi minéralement révolutionnaires qu'un pavillon de banlieue préfabriqué.

Et dire qu'il faut commencer la semaine par une convocation du chef de service, se dit Syméon Claudex. Mais il ne se laisse pas abattre. Sans doute a-t-on remarqué que son talent littéraire était sous-employé. Sans doute va-t-on lui confier une tâche plus noble. Réorganiser le milieu littéraire, peut-être ? Ou bien c'est évident, maintenant qu'il y pense va-t-on lui offrir de financer son œuvre sans le contraindre à ces basses besognes ! Sans doute réalise-t-on déjà que l'Art est à l'étroit dans ce bureau !

Claudex, en venant me voir, vous m'amènerez la demande de subvention d'Armand Métamagnus, arrivée la semaine passée. Le Président du Jury d'attribution des bourses considère que son œuvre est de première importance, et souhaite que le dossier soit examiné sans délai. Allez mon vieux, et que ça saute !

mardi 30 octobre 2018

Dimanche
Jour gris
De pluie de branches dénudées
Thé fumant lampe allumée le dos
Courbé sur le monde
Comme laboureur avant l'hiver
Seul dans la casemate isolée de son esprit
Claudex invente
Va inventer
Va tisser lettres mots phrases pages
Roches sublimes
Vents bourrasques tornades
Je vous convoque !

Entrez ici avec votre burlesque cortège !
Tournoyez pendant que je vous dompte
Et sur mon ordre fondez sur la langue
Je suis prêt cela vient c'est...

Papa, pendant que nous allons au cinéma pour vous laisser tranquille, Maman vous demande de mettre le linge à sécher, lancer une machine de blancs, repasser le linge sec depuis deux jours et le ranger et réparer la fuite au robinet de la cuisine. Bon travail, mon cher Papa !

lundi 29 octobre 2018

Syméon Claudex a prévenu sa famille. Désormais, le week-end est sacré ! Puisque diverses obligations financières le retiennent loin de sa table de travail du lundi au vendredi, il doit dorénavant s'extraire du monde en fin de semaine, rentrer en lui-même pour écrire en deux jours ce qu'il eût dû écrire en cinq. Qu'on ne dérange pas le créateur ! Qu'on respecte sa Muse ! Qu'on fasse silence pour l'artiste ! Et maintenant, au travail !, dit Syméon Claudex en refermant la lourde porte de son bureau.

Il vient d'allumer son ordinateur et d'ouvrir le fichier minéralclaudex.doc lorsque sa fille aînée entre sans frapper dans le sanctuaire.

N'oubliez pas, Papa, que vous devez dans quinze minutes me conduire au cours spécial de yoga percussif et qu'il faudra venir me rechercher quatre-vingts minutes plus tard, ce qui vous laisse le temps, dans l'intervalle, de conduire mon petit-frère à son atelier de mécanique transcendantale, auquel il faudra aller le reprendre après m'avoir déposée chez mon amie Hilde qui fête son anniversaire - d'ailleurs, vous n'avez pas oublié d'acheter le cadeau que je vous ai demandé, n'est-ce pas ? Il faut aussi conduire votre fille benjamine, ma sœur, à sa réunion louveteau, et, pendant la durée de celle-ci, faire les courses - Maman vous a laissé une liste, elle est partie à son cours de bûcheronnage tantrique. La réunion louveteau s'achève à dix-sept heures, venez alors me reprendre chez Hilde.

Syméon Claudex voudrait se révolter, en appeler à la Raison Supérieure de la Littérature, mais déjà l'autoritaire enfant quitte la pièce.

Ah ! J'allais oublier, dit-elle. Le WC est bouché et de l'eau s'infiltre par le plafond de ma chambre !

dimanche 28 octobre 2018

Que le sentiment de puissance de l'écrivain est chose merveilleuse ! Créer des mondes et les détruire, faire d'eux ce que bon lui semble. Établir l'univers aux dimensions de sa volonté ! Être démiurge ! Être le Destin ! Être Tout !

Quelle sensation grisante !, sourit Syméon Claudex, tandis que les dents mécaniques de la machine déchiquettent avec férocité la demande de subvention d'Armand Métamagnus.


samedi 27 octobre 2018

La probité, se dit Syméon Claudex, est l'honneur de l'écrivain. Nulle œuvre ne vaut sans honnêteté intellectuelle. Et c'est le devoir de l'artiste que de porter au travail de ses confrères une attention sincère et dépourvue d'une quelconque animosité personnelle. Ne confondons pas l’œuvre et son auteur !

Syméon Claudex regarde la demande de bourse signée de la main d'Armand Métamagnus.

Certes, pense-t-il. Mais de là à contribuer à son financement... Alors, où donc est cette broyeuse ?

vendredi 26 octobre 2018

Je dois voir le bon côté des choses, se dit Syméon Claudex. Certes, mon acte créatif est quelque peu empêché par de tristes contingences, mais cela ne peut être que temporaire. Et j'ai au moins la satisfaction de voir mon sacrifice utile à la subsistance d'auteurs dans le besoin quand bien même leur œuvre est d'une platitude et d'un conservatisme désespérant. Celui-ci, par exemple, comment s'appelle-t-il ? Edgar Groblidoganov... et voici qu'il sollicite une aide pour l'écriture d'un recueil de poésie abstracto-concrète consacré à la translucidité. Bien ! Comme il m'est réconfortant de savoir que ma vigilance lui permettra de compléter son dossier et dès lors, de prétendre à cette bourse qui le sauvera de la misère. Voici qui allège ma frustration ! Et celui-ci ! Une demande d'aide pour un roman ! Voyons voir, que dit la page de titre...

Ah.

De lave et de poussière. Roman élémentariste. Armand Métamagnus.

jeudi 25 octobre 2018

Syméon Claudex se lève à six heures. Rapide petit-déjeuner debout dans la cuisine avant de marcher de son meilleur pas vers la gare la plus proche. Le train est bondé et le voyage se fait debout dans l'allée centrale. Une heure plus tard, il débarque du train et se précipite dans un autobus, bondé lui aussi, dans lequel il tente de maintenir son équilibre en se tenant aux poignées grasses et couvertes des microbes déposés là par des centaines de voyageurs inconnus. Ayant survécu à vingt-cinq minutes d'inhalation forcée de mauvaises odeurs, il descend de l'autobus et se fond dans une cohorte grise de piétons se pressant comme des automates surélectrifiés vers les bâtiments du district administratif. Ayant pointé à 8h50, il rejoint son bureau à 8h55 après être passé par la machine à café (1 € pour un expresso, 1,30 € pour un cappuccino, l'un et l'autre au goût de carton humide). À 9h00, Syméon commence son classement, qu'il interrompt vers 10h00 pour aller uriner et reprendre un café. À midi précise, quotidiennement, sa collègue Patricia Bournonville, en charge du tri des dossiers de la commission spéciale des arts de la scène, s'adresse à lui en ces termes : Bon, moi j'ai faim, je vais manger.

À table, Syméon Claudex ne participe pas aux conversations, portant sur divers sujets comme l'héritage de Johnny Halliday, les progrès scolaires des enfants ou les prestations des candidats à The Voice dans l'émission de la veille. Une ou deux fois par semaine, quelqu'un demande à Syméon Claudex Alors, il paraît que tu écris un roman ? De quoi ça parle ? ou bien Alors, ça avance ton roman ?, questions auxquelles Syméon Claudex a répondu la première fois avec de nombreux détails que son collègue Michel Van Feestijn, du service de soutien aux arts émergents, ponctua d'un Ouille, c'est pas un peu prise de tête, ton truc ?, ce à quoi Cynthia, affectée au Recensement du Patrimoine Architectural répondit Moi, j'aime bien une bonne histoire pour me changer les idées en vacances, pas un livre où on fait des phrases. Depuis, Syméon Claudex répond évasivement à ces sollicitations.

L'après-midi est consacrée aux photocopies, réclamations des pièces manquantes et expédition des accusés de réception. À 17h00, Syméon Claudex pointe à la sortie du bâtiment et effectue, dans les conditions identiques à celles de l'aller, le trajet du retour - éventuellement agrémenté d'un monologue de Didier Meulemeester, le responsable qualité du département des aides à la création, par ailleurs passionné de photographie animalière, si par malheur il ne parvient pas à éviter sa compagnie.

Après le repas du soir, au cours duquel ses enfants expliquent par le détail les disputes ayant eu lieu à l'école pendant la journée, Syméon Claudex, épuisé et migraineux, s'installe vers 21h30 devant son ordinateur pour enfin se consacrer à son œuvre jusqu'à ce qu'il tombe de sommeil vers 23h00. En deux semaines, il a réussi à écrire une page du chapitre quatre.

Ça progresse!, se dit Syméon Claudex. À ce rythme, j'aurai terminé un premier jet du roman dans approximativement sept ans et trente-six semaines !


mercredi 24 octobre 2018

Monsieur Claudex, ce qui m'a intéressé dans votre candidature, c'est que vous êtes vous-mêmes un auteur. Vous savez donc tout des tourments de la création. Vous connaissez les heures à chercher la formule qui rendra justice à votre pensée. Vous n'ignorez rien de l'âpre bataille qu'il faut, chaque jour, livrer pour qu'une intention se diffuse sans se dissoudre dans une langue sans cesse renouvelée. Vous êtes dévoué corps et âme à votre œuvre. La poésie est l'air que vous respirez. Mieux ! Si vous inspirez de l'air vicié, c'est chargé de poésie que vous l'expirez ! Et vous savez fort bien de quel engagement total il s'agit, et ce qu'il implique de difficultés à vivre : l'isolement, le manque d'argent... Ah! Monsieur Claudex, ici, les gens tels que vous sont admiré.e.s et choyé.e.s.

Pour tout cela, il me semble que vous êtes exactement celui qu'il nous faut.

Voici donc ce que j'attends de vous. Vous classez dans cette pile les demandes de subvention à l'écriture, dans celle-ci, les demandes d'aide à l'édition, et dans celle-là, les demandes d'aide à la traduction. Ensuite vous vérifiez que chaque dossier comprend bien huit exemplaires conformes ainsi que la fiche d'identité du.de la demandeur.eresse (C4532 pour les auteurs.trices, C6784 pour les éditeurs.trices, C9617 pour les traducteurs.trices), sans oublier un relevé d'identité bancaire. Le cas échéant, vous faites les copies nécessaires (en recto-verso) et vous réclamez les pièces manquantes. Faites très attention : pour nos communications internes, nous utilisons l'écriture inclusive. Et n'oubliez pas de pointer lors de votre arrivée et à votre départ. Bienvenue parmi nous, Monsieur Claudex !

mardi 23 octobre 2018

Syméon Claudex est terriblement déprimé. Il semble n'être fait pour aucun emploi. Il n'a tenu qu'une seule journée à servir du café. Le gérant a mis un terme à sa période d'essai parce qu'il n'a pas compris tout le potentiel commercial de sa littérature robusta ni de sa poésie torréfiée. Certes, il n'aurait peut-être pas dû crier Et un frelaté-Macchiato pour ce Monsieur, un ! mais ces multinationales n'ont manifestement aucun sens de l'humour. Et avec tout ça, il n'a pas écrit une ligne depuis des jours !

- Monsieur Claudex, il vous reste quinze jours pour payer intégralement votre dette, faute de quoi, nous serons contraints de procéder à une saisie de vos biens.
- Sachez, Monsieur l'huissier, que vous n'aurez pas, non vous n'aurez pas ma liberté de penser !

lundi 22 octobre 2018

Tandis que mousse
Le lait
Sur la surface
Fumée
Tu dis
Moccachino grande !
Puis regardes, Joël
Couler le caramel

Eh, le nouveau ! Eh Oh ! Claudex ! On te paie pas pour écrire des poèmes à la con sur les gobelets ! Tu écris juste le prénom du client et tu te magnes. Capiche? Tu crois qu'on a que ça à foutre ? Et tu me nettoies le pot à crème, bordel !

dimanche 21 octobre 2018

Monsieur Claudex, je vous donne entièrement raison. L'industrie de l'énergie éolienne est en plein essor et nous avons besoin de personnel compétent et passionné, toutefois, en l'absence du moindre diplôme en ingénierie électrique, d'une formation approfondie sur la technique des turbines, d'un indice quelconque dans votre curriculum vitae qui me donnerait à penser que vous savez précisément comment fonctionne un transformateur, ou encore d'une expérience significative dans le domaine de la conduction de l'électricité à haute tension, vous comprendrez, je l'espère, que, tout en vous remerciant vivement de l'intérêt que vous manifestez pour notre société, je ne puis vous confier un poste de gestionnaire de parc éolien sur la seule foi de votre phrase Syméon Claudex fait souffler sur la plaine vierge de ses pages le Chlouc et le Pampero, le Balaguère et le Farrou et c'est la puissance de son inspiration qui façonne le monde en érodant ses falaises.

samedi 20 octobre 2018

Oui, Monsieur Claudex, nous avons bien reçu votre candidature, et il vrai que nous cherchons d'urgence un professeur de biologie pour nos classes de troisième, mais j'avoue que votre lettre me laisse perplexe, car je ne suis pas certain de comprendre ce que vous voulez dire par Syméon Claudex peut d'un trait de plume créer et faire croître une population de bactéries avant de l'anéantir en un instant.

vendredi 19 octobre 2018

Écoutez, Monsieur... Claudex, oui, Monsieur Claudex, donc, en effet, nous pouvons tout à fait vous inscrire comme candidat au travail intérimaire, et croyez bien que notre société serait parfaitement désireuse de valoriser vos compétences auprès de nos clients, qui, comme vous le savez, sont principalement actifs dans le domaine du bâtiment, cependant, je ne puis que vous conseiller de modifier votre fiche individuelle de présentation car je crains que votre phrase... permettez, je vous cite :  Il suffit à Syméon Claudex d'un peu d'encre et d'un porte-plume pour faire jaillir du cratère de volcans fabuleux les roches et les minerais précieux, afin que dans sa langue le marbre offre à la poésie un palais luxueux, soit adéquate pour solliciter un emploi de manœuvre en maçonnerie.

jeudi 18 octobre 2018

Syméon Claudex doit bien se rendre à l'évidence : il a un urgent besoin d'argent. Faut de la thune, et vite !, comme disent les jeunes. Il sait qu'il en va de la possibilité même de son œuvre. Révolutionner la Littérature ne se fait pas avec l'esprit obstrué par les soucis financiers. Les dettes risquent de le détourner de son but. Déjà a-t-il failli pervertir le projet radical de son roman, en y laissant pénétrer des personnages, dans le seul but de se conformer aux goûts du grand public. Non, il le sait : il faut qu'il gagne rapidement de quoi calmer ses créanciers. Il faut prendre exemple sur ce courageux poète, qui afin d'assurer son indépendance créatrice, n'hésite pas à se lever aux aurores pour parcourir les rues froides de la ville, une besace lourdement chargée de courrier pesant à son flanc.

Syméon a acheté la presse du jour. Il va de journal en journal, étudiant méthodiquement les offres d'emploi. Puis il prolonge sa quête méticuleuse sur les sites en ligne d'aide à l'emploi, ainsi que dans les agences de travail intérimaire. Las ! Après plus de trois heures de recherches, il n'est que dépit.

C'est bien ma veine, pense-t-il, pas un seul emploi vacant dans une revue de critique littéraire !

mercredi 17 octobre 2018

Ce n'est sans doute pas le moment, mais votre œuvre poétique m'intéresse beaucoup, dit Syméon Claudex au facteur. Et il faudra que vous m'exposiez vos idées sur la métrique. J'espère que nous aurons l'occasion d'en reparler, ajoute-t-il tandis qu'il ouvre, d'un doigt glissé dans l'enveloppe, le recommandé reçu. C'est son assureur qui refuse d'intervenir pour le sinistre de sa voiture et pour le déclassement complet du véhicule de cet imbécile d'Armand Métamagnus. Et qui lui réclame en outre trois trimestres de primes impayées.

Et sinon, plus prosaïquement, dit-il au facteur dans un raclement de gorge, je me demandais, quelle est la marche à suivre pour trouver un emploi comme le vôtre ?

mardi 16 octobre 2018

Écoutez, j'ai un master en littérature comparée, rédigé une thèse sur l'utilisation divergente de l'invective dans la poésie révolutionnaire mexicaine et sous la Commune de Paris ; j'ai publié trois romans pour la jeunesse dont l'un a reçu le prix Adolecteurs de Picardie, et huit recueils de poésie dont deux ont été classés par le magazine Paronomases aujourd'hui parmi les cinquante œuvres poétiques incontournables de la décennie ; mon dernier recueil a reçu les Lauriers d'or au dernier Festival Internacional de Poesia Microminimalista à San Fernando de Guadalajara ; j'ai enfin publié plusieurs essais qui font autorité dans le domaine de la métrique expérimentale contemporaine, dont le dernier (Devenir pétrifié de l'hexamètre dactylique, éditions Glox) pourrait, je crois, vous intéresser, alors oui, dit le facteur à Syméon Claudex, j'ai peut-être un avis sur vos difficultés présentes, et croyez bien que je comprends vos doutes et vos angoisses, mais je fais ce travail pour des raisons alimentaires, sans véritable passion, j'en conviens, pour la rencontre humaine qu'offre le porte à porte, et du reste, au plus tôt j'ai fini ma tournée, au plus tôt je peux rentrer chez moi pour me consacrer à l'écriture à laquelle, par ailleurs, j'ai sacrifié ma famille et mes amis, pour ne rien dire de ma santé, alors pour cette raison, Monsieur Claudex, avec tout le respect que La Poste doit à ses clients, je vous conjure maintenant de la fermer et de signer ce fichu accusé de réception !

lundi 15 octobre 2018

Vous comprenez, dit Syméon Claudex, je suis face à de grandes difficultés. Le vent ne fait que souffler. La roche roule, éclate ou glisse. Le sable s'envole. J'ai le pouvoir de faire couler la lave en effleurant de mes doigts le clavier. Il y a tant de violence entre ces parois de calcaire que je voudrais exprimer ! Les tourments de ce monde que je fais naître de mes mots, ne sont-ils pas métonymiques des turbulences de l'univers tout entier ? Et comment canaliser cette violence dans une forme neuve et proprement révolutionnaire du roman ? J'ai tenté de dynamiter la syntaxe, mais le public est-il prêt à me voir déconstruire sa langue ? Dois-je inventer de toute pièce un vocabulaire nouveau ?

Mais je parle, je parle, dit Syméon au facteur, et je vous empêche de me le remettre, ce recommandé !

dimanche 14 octobre 2018

Syméon s'est levé tôt. L'aube l'a baigné d'une lumière d'automne, humble et douce, pendant qu'il courait (trois kilomètres). Il a enchainé sur dix pages (dix pages !) apaisées, d'une évidente facilité (ses doigts caressant doucement les touches du clavier), en buvant à petite gorgées une tisane détox aux baies de gogi. Sa langue s'est épurée en se vidant des substances psychostimulantes qui l'engorgeaient.

Dans le texte, une brise légère et tiède caresse un fin gravier. De petites pierres rondes, légères, roulent lentement vers la plaine en suivant une pente douce couverte d'une fine poussière blonde. Quelques cailloux s'entrechoquent. Tout est paisible. Tout est calme. Tout est doux.

Mais qu'est-ce que je m'emmerde !, se dit Syméon Claudex.

samedi 13 octobre 2018

Syméon Claudex regarde le jardin à travers la fenêtre.

Un ciel bas et lourd pèse comme un couvercle sur son esprit encerclé par l'horizon. Quel long ennui, gémit-il, quel jour noir plus triste que la nuit. Un cachot humide, voilà ce que lui évoque la terre du jardin. Il n'a pas même un timide espoir que passe cette migraine qui va battant les murs de sa tête comme une chauve-souris se cognant au plafond pourri de son crâne. Pour ne rien arranger il pleut, ça fait d'immenses trainées sur les carreaux. C'est la taule, ici, pense Syméon Claudex, un endroit infâme où on se fait bouffer la cervelle en silence par tout un peuple d'araignées. Soudain, un furieux coup de klaxon le fait sursauter. Des chiens errants - pas du quartier, se dit Syméon Claudex,  - hurlent affreusement. puis se mettent à geindre. Syméon a l'impression que des longs corbillards sont garés en double-file dans sa tête. Pas de tambours. Pas de musique. L'espoir vaincu. Y a de quoi pleurer. Ô Angoisse atroce, pense Syméon, despotique, sur mon crâne incliné tu plantes ton drapeau noir !

Bon, c'est foutu, se dit-il. Je n'écrirai rien de bon aujourd'hui. 

J'ai besoin d'un bol d'air.

Le sevrage des amphèt, tu parles d'un spleen !







vendredi 12 octobre 2018

Si je comprends bien, dit le médecin à Syméon Claudex, depuis votre gastro-entérite, vous vous êtes fâché avec votre meilleur ami, vous avez démoli la syntaxe et votre voiture, on vous a retiré votre permis de conduire, et vous avez envoyé une lettre au commissaire de police où vous vous prenez pour l'incarnation de votre roman. Alors oui, en effet, je crois que même si le but est d'augmenter votre productivité littéraire, il serait bon, Claudex, de cesser de prendre deux cachets d'amphétamines à chaque repas.

jeudi 11 octobre 2018

Simoun et Levêche faisaient tourbillonner la poussière, l'élevant plusieurs centaines de mètres au-dessus du sol, pendant que Gharbi et Squamish emportaient des millions d'éclats de silex, aiguisés et dardés vers l'avenir comme les armes irréfutables d'une puissance sans limite. Ils s'engouffrèrent dans le défilé, accélérant encore, comme appelés par un destin plus grand qu'eux-mêmes, charriant ces roches émiettées qui déchiquetaient les obstacles posés là par des siècles et des siècles d'immobilisme. Rien ne pouvait leur résister. Rien ne DEVAIT leur résister. C'était le monde nouveau et brûlant d'exister qui vrillait la carcasse friable d'obsolètes accumulations sédimentaires. C'était la pulsion d'être contre la masse inepte.

Ceci pour vous dire, Monsieur le Commissaire divisionnaire, que votre agent n'a manifestement rien compris à l'enjeu littéraire de la situation, raison pour laquelle, je sollicite la restitution de mon permis de conduire.

Syméon Claudex.

mercredi 10 octobre 2018

Quelle évidence !, dit Syméon Claudex. Quelle métaphore ! Voyez-vous ce signe que la vie nous envoie ? Voyez-vous comme les écrivaillons entravent la progression de la Littérature nouvelle ? Voyez-vous comme le travail que j'ai engagé leur fait peur ? 

Ce pauvre Métamagnus ! Tout à sa médiocrité, incapable de prendre la mesure du travail de refondation du roman qu'exige la révolution minérale, il ose désormais jeter sur moi la vulgarité métallique de sa ridicule berline pour m'empêcher de suivre la voie que je me suis tracée ! Oh le pitoyable esclave du point-virgule ! Regardez-le, cette larve, se tortillant sous le poids de ses lourds adverbes ! Mais le public averti doit trancher - je vous prends à témoin ! - oui, il doit choisir son camp entre la vieille langue radoteuse et la Littérature qui trace de sa machette de nouvelles routes dans l'épaisseur du monde ! 

Et le public averti, c'est vous qui le représentez, Monsieur l'agent !


mardi 9 octobre 2018

Oui Monsieur ! Non Monsieur ! Parfaitement ! Je suis dans mon droit ! Ma vitesse n'a rien à voir là-dedans ! J'avais la priorité !, s'énerve Syméon Claudex sur ce malotru, par ailleurs pas fichu de tenir un volant, qui vient de lui écraser l'aile gauche et qui semble n'avoir pas l'intention de faire profil bas.

- J'exige un constat ! Et d'abord, comment vous appelez-vous ?
- Je suis Armand Métamagnus, Monsieur ! Oui ! Le fameux auteur !

lundi 8 octobre 2018

Syméon Claudex s'est affranchi de la syntaxe. Un immense sentiment de liberté l'envahit. Mieux : un sentiment de puissance. Rien ne peut l'arrêter. Les règles, la loi : rien ne résistera à la révolution minérale de et dans la littérature !

Syméon prend sa voiture. Rien de tel pour stimuler son imagination que de conduire à travers la ville. Je sens qu'aucune limite ne peut contraindre mon roman, pense-t-il, tandis qu'il brûle un feu rouge et manque de renverser un passant sur le passage piéton. Ce troisième chapitre va balayer toutes les certitudes des tenants de l'ancienne littérature, dit-il à voix haute pour couvrir le bruit du moteur qui s'emballe lorsqu'il passe à quatre-vingts kilomètres à l'heure dans une étroite venelle. La critique littéraire n'a qu'à bien se tenir ! Je vais la défonc...

 Mais quel est ce con qui lui brûle la priorité de droite !?!

dimanche 7 octobre 2018

Devant falaise gemmes avaient attendu arrivée grandes bourrasques Suête arrachant passage morceaux granit tombaient ensuite sable lequel tourbillonnait soulevé souffle rabattant venu outre désert lames schiste étaient détachées socle coupantes volaient auraient tout déchiqueté passage toutes pierres autour avaient plus dures elles

Voilà, se dit Syméon Claudex. Commencer par un vent si puissant qu'il emporte la ponctuation et les mots de moins de quatre lettres.

samedi 6 octobre 2018

Ce qu'il faut, se dit Syméon Claudex, c'est que j'élargisse le périmètre de ce roman. Que j'en rehausse l'enjeu. La révolution minérale est certes nécessaire, mais elle est trop étroite pour mon ambition littéraire. Il y a tant à faire pour emmener la Littérature vers le siècle prochain ! Et il me reste si peu d'années ! Syméon Claudex sait qu'il lui faut détruire les murs de l'ancien monde, tout rongés de mérule. N'est-il pas temps, enfin, de réinventer la syntaxe ?

vendredi 5 octobre 2018

Le monde avait retrouvé sa pureté originelle.

L'eissaure réconfortant caressait le calcaire de son souffle doux comme au matin du premier chapitre, et rien ne troublait l'éternelle minéralité du roman ; plus la moindre trace de vie.

Plus d'ami pour pervertir son œuvre et l'encombrer d'idées poussives et dépassées. Plus de lâches concessions au goût des masses. Un nouveau chapitre s'ouvrait devant Syméon Claudex, impatient de creuser de sa plume le karst de la langue. Un chapitre sans rien qui le détournât de sa tache révolutionnaire. Sans végétal. Sans animal. Sans homme ni femme. Sans policier ni assassin. Un chapitre sans Deinoccocus radiodurans.

Un chapitre, enfin, sans virus.

Et pour le moment sans le moindre début d'idée, se dit Syméon Claudex, dont les doigts étaient depuis une heure suspendus dans l'air au-dessus du clavier et commençaient à s'engourdir.

jeudi 4 octobre 2018

Mon cher vieil ami,

Le cœur me saigne, mais la Littérature a ses raisons que le cœur ne connaît point.

Ce long compagnonnage qui fut le nôtre, je dois y mettre fin. Bien sûr, une belle histoire nous lie depuis notre plus tendre enfance. Bien sûr, de classe en classe, d'école en école, sur les bancs de l'Université, au service militaire, nous avons vécu côte à côte. Nos aventures de jeunesse, nos vacances, que de souvenirs joyeux... Je n'oublie pas que tu as ensuite épousé ma sœur, j'en fus le témoin, et je te prie par ailleurs de lui faire savoir qu'elle restera toujours dans ma mémoire. Comme, d'ailleurs, ma filleule, ta fille, que j'aurais aimé voir grandir. Je peux t'affirmer que ma décision n'a aucun rapport avec son handicap - je tiens à ce qu'il n'y ait entre nous aucun doute à ce sujet !

Ainsi, il est temps que nos chemins se séparent. Nous n'avons — ô combien je le regrette !  — pas du tout la même conception de la Littérature et des exigences de la révolution minérale dans laquelle je suis engagé corps (et comment !) et âme.

Adieu donc, mon frère. Peut-être nous reverrons-nous au-delà du monde des Lettres.

Celui qui fut ton ami,

Syméon Claudex

PS. Il va de soi que je te rembourserai l'argent que tu m'as prêté dès que j'aurai touché les à valoir de mon roman.

mercredi 3 octobre 2018

Syméon Claudex était pris d'un sérieux doute.

Au commencement était la roche. Puis vint le vent. Et il vit que c'était bon. Et il vit que ce monde minéral était plaisant à son âme. Il eût pu l'habiter seul. Il l'eût habité à mesure qu'il le créait. Il l'eût créé à mesure qu'il l'habitait. Et cela eût été bon. Et cela eût été plaisant à son âme. Mais la tentation du succès lui fut envoyée (sous les traits d'un ami, qui plus est – avec qui il faudrait rompre, pensait-il). Il succomba à la tentation de corrompre la beauté minérale de son roman en y faisant naître la vie. Mais l'Ange de la Littérature veillait, et il anéantit cette prolifération nuisible. Il eût fallu s'en réjouir. Au lieu de cela, Syméon reproduisit dans son propre corps l'hécatombe qui s'était produite dans son roman. Toute vie intestinale avait été anéantie. C'était comme s'il faisait corps avec le roman. 

Comme si il était, lui, Syméon, le corps même du roman !

L’œuvre et son créateur ne faisaient-ils qu'un ?

Alors, maintenant que le roman ne contient plus qu'un peu de vent et des tonnes de cailloux, prendre ou pas rendez-vous chez l'urologue ?, se demandait Syméon. Ne manqueraient plus que des pierres aux reins !

mardi 2 octobre 2018

Que c'est triste, se dit Syméon Claudex, le temps des bactéries mortes. Je m'voyais déjà en haut de la liste des meilleures ventes, mais désormais, on ne nous verra plus ensemble, Deinoccocus radiodurans et moi. Syméon, mon vieux, tu t'laisses aller, pense-t-il. Le temps te fera oublier cet échec. Le temps, le temps et rien d'autre. Et pourtant, il faut savoir se remettre au boulot.

Parce que, se dit Syméon Claudex, la Littérature, c'est pas la chansonnette !

lundi 1 octobre 2018

Écoutez mon vieux, dit le médecin à Syméon Claudex, je ne peux rien faire pour vous. Ça passera ! En attendant, je vous conseille les probiotiques. Ça va reconstituer le microbiote. Et essayez le yaourt, c'est plein de bonnes bactéries !

Mais ce n'était qu'un rêve fiévreux, et Syméon Claudex se réveille au moment où il s'apprêtait à badigeonner le clavier de son ordinateur d'un litre de yaourt vanille-maracuja.


dimanche 30 septembre 2018

Syméon s'est enfoncé dans le fauteuil. Il se sent mal. Dès qu'il n'est pas en position assise, son ventre se tord comme on le ferait d'une serpillère gorgée d'eau.

Syméon allume la télévision. C'est une rediffusion de "La Grande Librairie". Un écrivain qu'il n'identifie pas débite des banalités sur la création littéraire. Même lorsque je décris la structure d'un bâtiment qui n'est qu'au second plan dans le décors de mon roman, dit-il, je plonge en moi pour extraire de la carrière sacrée de mon intimité le granit même de ce bâtiment. Syméon Claudex se dit que c'est complètement idiot. Le granit à la carrière sacrée de son intimité ! Allez Syméon, pense-t-il, éteins-moi ça ! Tu as mieux à faire que d'écouter ce moulin à inepties !

Fiévreux et domptant de sa volonté créatrice les spasmes qui secouent ses entrailles, Syméon se lance dans l'écriture d'une scène ambitieuse où le volcan tremble et fume, puis entre en éruption, envoyant à la ronde d'incandescentes projections pyroclastiques, tandis que des coulées de lave s'échappent de ses flancs et brûlent tout sur leur passage.

samedi 29 septembre 2018

Syméon Claudex a besoin de faire une pause pour se changer les idées. Perdre vingt pages grouillantes de Deinoccocus radiodurans, c'est décourageant. Rien de tel pour se vider l'esprit qu'une bonne course matinale. Un parcours d'inspiration pour relancer la machine. Je pourrais pousser jusqu'à cinq kilomètres, se dit Syméon. Sur le chemin, il papote avec d'autres coureurs. Et puis cette jolie jeune femme, là, qui tire un peu la langue. Vraiment charmante. Je vais courir avec elle, tiens, se dit-il. À petites foulées. Mais elle traîne un peu la patte, ralentit, s'arrête en cherchant son souffle, se plie en deux, appuyée sur ses genoux. Je crois que je vais arrêter, dit-elle, j'ai mal partout et j'ai la nausée.

Le lendemain, Syméon se réveille fébrile. À peine s'est-il installé à sa table de travail qu'il est pris de crampes à l'estomac. J'ai dû me ruer aux toilettes, Docteur !

Une gastroentérite, dit le médecin. Mon pauvre ami, rien à faire : c'est viral.

vendredi 28 septembre 2018

Donc je consacre vingt pages à créer la vie, et tout disparaît au premier virus ? demande Syméon Claudex au réparateur informatique. Je le savais ! Introduisez des personnages dans un roman, et tout de suite, c'est la merde !

jeudi 27 septembre 2018

Tout le jour il multiplie Deinococcus radiodurans. Duplication, allongement, contraction, division. Duplication, allongement, contraction, division. Duplication, allongement, contraction, division. Chacune devenant le clone de celle qui la précédait, les pages scissiséparées se gorgent d'acide désoxyribonucléique tandis que surgissent entre les points-virgules de solides peptidoglycanes.

Syméon Claudex tisse sa syntaxe de glycocalix.

Il aligne les mots et crache d'une traite son texte sans presque respirer. Ma littérature est anaérobique, pense-t-il en contemplant la vingtaine de pages ainsi parées d'une dynamique colonie bactérienne.

Comme il veut enregistrer le produit de son travail, l'écran s'éteint soudain et plus rien ne répond tandis qu'il frappe, frénétique, sur les touches du clavier. Syméon Claudex est pris de panique : huit heures passées à écrire la naissance d'une population entière et tout a disparu ?

Mauvaise nouvelle, lui dit le réparateur. C'est un virus.

mercredi 26 septembre 2018

"Deinococcus radiodurans ne connaîtrait jamais le souffle chaud du Khamsin, ni la douceur lumineuse du diamant. Elle était au fond de son anfractuosité, étrangère à ses semblables, ne les connaissant pas, n'ayant aucun moyen de les connaître. Elle ne verrait d'elles ni leur vie, ni leur mort. Elle ne verrait jamais rien du tout, d'ailleurs. Elle était désespérément seule, mais comme elle n'avait aucun moyen de le savoir, ni aucun moyen de ressentir du désespoir, elle ne fit rien pour se révolter. Son destin ne lui appartenait pas."

Bon, jusque-là, ça va, dit Syméon Claudex à un ami. Mais après, donne-moi ton avis :

"Elle resta immobile et, lentement, mourut. Et rien ne vint troubler la minéralité venteuse du monde."

Ou bien :

"Soudain son corps s'allongea tandis que se dupliquait son matériel génétique. Puis, en son milieu, le corps se contracta jusqu'à ce que se touchassent les deux bords de la membrane, et qu'il se coupât en deux parties identiques. Deinococcus radiodurans n'eut pas la conscience d'avoir inventé la scissiparité ; elle n'en sut rien, d'ailleurs. Mais elle n'était plus seule, désormais, sans aucun moyen de comprendre que les emmerdes allaient commencer."

Hmmoui, répond l'ami. Mais dans les deux cas, je crains que le roman n'ait quelques longueurs avant la résolution de l'énigme.

mardi 25 septembre 2018

"Si elle avait eu le moindre moyen de se mouvoir, Deinococcus radiodurans eût pu quitter son anfractuosité, arpenter les aspérités de la roche basaltique et se glisser au fond d'une anfractuosité voisine. Là, si elle avait eu un quelconque organe sensible, elle eût pu comprendre qu'elle était en présence d'une autre Deinococcus radiodurans. Elle eût alors pu sentir l'angoissante lourdeur de l'air pesant sur la scène d'un crime, car si elle avait eu des yeux, elle eût pu découvrir que cette autre Deinococcus radiodurans, si semblable à elle-même, avait été assassinée - à condition, évidemment, qu'il existât quoique ce soit qui permit à une Deinococcus radiodurans d'en assassiner une autre, à commencer par un peu de méchanceté et un cerveau pour préméditer le crime. Deinococcus radiodurans eût-elle pu sentir la présence du meurtrier, Deinococcus radiodurans, caché dans un repli de la roche, attendant d'en sortir au moment opportun pour se présenter comme le témoin innocent de la scène au moyen d'un discours mensonger servi avec aplomb, et cela s'il avait été doué d'un organe phonatoire permettant le langage et la duplicité ? 

Peut-être. 

Mais Deinococcus radiodurans n'avait aucun moyen de se mouvoir."

Ayant relu ce passage, Syméon Claudex se demande si l'introduction d'une bactérie dans son roman minéral ne va pas rapidement le faire tourner en rond.

lundi 24 septembre 2018


Deinococcus radiodurans était posée là, au fond d'une anfractuosité de la roche basaltique. Elle ne voyait rien, ne sentait rien. Ne produisait aucun son. À vrai dire, elle n'avait aucun organe qui pût produire le moindre son, ni rien voir, ni rien sentir. Elle n'avait pas d'organe du tout. Elle était moins qu'un corps. Moins qu'un organe. Elle ne pouvait pas bouger. Elle était seule. Au fond d'une anfractuosité.

Mais alors, nom de dieu de nom de dieu, pense Syméon Claudex, comment pourrait-elle bien mener cette fichue enquête criminelle ?

dimanche 23 septembre 2018

Syméon Claudex n'a pas dormi de la nuit, tournant et retournant dans son esprit cette histoire de personnages. Son ami n'a pas tort. Le public serait sans doute plus sensible à son œuvre s'il consentait à lui donner quelques personnages en pâture. Les goûts du public sont tellement triviaux, pense-t-il, mais enfin ! S'il le faut ! Au matin, Syméon se résout à faire entrer le vivant dans son roman.

Comment s'appelait-elle, déjà, cette bactérie très ancienne ? Ah oui ! Deinococcus radiodurans ! 

samedi 22 septembre 2018

Si tu veux gagner de l'argent avec ton roman, dit un ami à Syméon Claudex, peut-être devrais-tu y changer deux ou trois détails. Ne crains-tu pas que les rochers et les vents soient insuffisants pour séduire un large public ? Peut-être devrais-tu modifier l'époque de ton récit. L'avancer de quelques années. Deux ou trois cent millions, pourquoi pas ? Tiens, que penses-tu du vingtième siècle ? As-tu envisagé d'y faire malgré tout intervenir des humains ? Peut-être même d'en faire des personnages ? L'un ou l'autre pourrait parler. Que penses-tu d'un policier ? Il pourrait y avoir un meurtre. Un soir de grand vent, si tu y tiens. Il mènerait l'enquête. Poserait des questions. Les lecteurs chercheraient le coupable. Tes phrases seraient courtes. Tendues. Il y aurait du suspens.

Syméon Claudex objecte que de tels procédés seraient un renoncement. Il se refuse à dégrader à ce point ses ambitions. Ce roman doit lancer la révolution minérale de et dans la Littérature, tout de même !

Bon. Et si l'arme du crime était une pierre ?

vendredi 21 septembre 2018

Un peu de patience, allons, ne nous énervons pas, dit Syméon Claudex à l'huissier penché sur sa calculatrice. Je suis, figurez-vous, en pleine écriture d'un roman de première importance qui lancera la révolution minérale de et dans la Littérature. Faites-moi confiance, les à-valoir suffiront largement à couvrir les vingt-huit mille euros que vous me réclamez !

jeudi 20 septembre 2018

Écrire est un acte monacal, pense Syméon Claudex. Il faut, de longues heures durant, vivre dans la solitude et le silence. Chercher le dénuement social. Renoncer au monde. S'isoler de ses semblables. Tendre l'oreille et ne l'ouvrir à rien d'autre que le murmure de son intimité. Nul espace ne reste pour les congénères. Point de visage ami pendant ce long temps de la création. Pas de parole échangée. On est seul, profondément seul. Et dire qu'en plus, Syméon Claudex écrit un roman minéral sans personnage !

Heureusement, quelques fois comme à l'instant, on sonne à la porte, et c'est la promesse d'une rencontre humaine inattendue, d'une brève bouffée de fraternité chaleureuse qui charge le cœur de joie et d'énergie. J'arrive, j'arrive, se presse Syméon au bruit de la sonnette.

Mais c'est l'huissier venu saisir les meubles à la demande de la banque.

mercredi 19 septembre 2018

Maintenant qu'il a terminé deux chapitres de son roman minéral, Syméon Claudex a bien mérité une journée de repos ! Pas une ligne écrite aujourd'hui ! Il faut se ressourcer et goûter à la vie réelle ! Et puis, n'est-il pas temps de répondre à ce banquier qui s'interroge depuis deux mois sur le solde négatif du compte courant et le dépassement du plafond de la carte de crédit ?

mardi 18 septembre 2018

Syméon Claudex est assez satisfait de ce deuxième chapitre. J'ai vraiment trouvé mon style, pense-t-il. Je sens que c'est là. Il suffisait d'ouvrir le texte et laisser entrer le vent. Syméon Claudex relit les premières pages du premier chapitre. C'est une catastrophe. Le style... vraiment..., ça n'a rien à voir, pense-t-il. Pas d'autre choix que de le réécrire.

Cette nuit-là, Syméon Claudex rêve qu'il réécrit le premier chapitre puis, constatant que son style a de nouveau évolué, réécrit le deuxième chapitre puis, constatant que son style a de nouveau évolué, réécrit le premier chapitre puis, constatant que son style a de nouveau évolué, réécrit le deuxième chapitre, et ainsi de suite, sans fin, sans jamais atteindre le troisième chapitre, réécrivant jusqu'à son dernier souffle les deux premiers chapitres de son roman minéral.

lundi 17 septembre 2018

Vent frais, vent du matin... Syméon Claudex a l'intention de terminer son deuxième chapitre, aujourd'hui. Il doit s'achever sur une grande scène... vent qui souffle au sommet des grands pins... où les vents tourbillonnent, se mêlent les uns aux autres, décuplant leur force, se frottant aux roches,... joies du vent, grand vent, entrons dans le grand vent frais... frôlant les parois des montagnes, soulevant le sable du désert pour l'emmener au sommet des montagnes. Ce final,... vent du matin, vent qui souffle au sommet des grands pins, joies du vent, grand vent... ce doit être un morceau de bravoure, se dit Syméon. Il me faut creuser la langue,... entrons dans le grand vent frais, vent du matin, vent qui souffle au sommet des grands pins... descendre, une fois encore, et piocher dans la mine lexicale pour en sortir d'inattendues pépites. Il faut... joies du vent, grand vent, entrons dans le grand vent frais, vent du matin, vent qui souffle au sommet des grands pins... de la matière et du souffle. C'est un saut dans le vide. S'en remettre aux ailes du Guebli, à la force du Williwaw... joies du vent, grand vent, entrons dans le grand vent frais, vent du matin, vent qui souffle...

Mais Nom de Dieu, fermez-là ! hurle Syméon Claudex au petit groupe de louveteaux qui chantent depuis vingt minutes sous ses fenêtres.

dimanche 16 septembre 2018

Trente pages. Trente pages ! Pour deux chapitres ! Est-ce assez, se demande Syméon Claudex, est-ce trop ? Pierre Guyotat lui aussi compte-t-il ses pages pendant qu'il les écrit ?

samedi 15 septembre 2018

Syméon Claudex s'est plongé dans Idiotie, le dernier livre de Pierre Guyotat. C'est une orgie de virgules, de points et de points-virgules ; il y a des parenthèses et des tirets cadratins. Et, sautillant sur  la ponctuation, une langue dansante et sans cesse régénérée. Quelle inégalable perfection, pense Syméon Claudex qui, parcourant ensuite les premières pages de son roman minéral, relisant les phrases laborieuses qui pèsent sur le papier comme une enclume sur la peau du ventre, songe à se rendre au bord du fleuve pour y nouer une corde solide autour de son cou et d'un lourd rocher, et rejoindre la vase où son écriture est enlisée.

vendredi 14 septembre 2018

Chacun à son tour se lève et se nomme à voix haute, et tout le groupe dit bonjour pour lui souhaiter la bienvenue. Certains semblent près de l'effondrement. Ils tiennent à peine sur leur jambes flageolantes. Leur voix se brise au moment de saluer l'assemblée, se gorge de sanglots, et de leurs yeux embués suinte une terrifiante angoisse. Ils sont passés par des moments difficiles. Être ici n'est que le début d'un long chemin, ils le savent. Ils sont émus de la main tendue, de la chaleur humaine qui déjà les couvre d'un réconfortant duvet et les rehausse dans leur humanité dégradée. Ainsi donc, ils font partie de la grande communauté des Hommes. Leurs faiblesses, leurs erreurs, tous ces choix coupables qui les ont fait déchoir : tout est pardonné. Par la parole et l'écoute mutuelle, ils ont l'espoir de s'en sortir.

C'est bientôt le tour de Syméon Claudex de se présenter. Il a le trac. Il doute. Doit-il tout dire de sa souffrance ? Cela va-t-il l'aider ? Il n'a pas le temps d'y réfléchir davantage. Il se lève, parle, et les larmes d'une douleur contenue jaillissent soudain. Il se libère. Il met des mots sur ses problèmes et pleure et pleure et pleure encore. Tout le monde l'entoure et l'encourage.

Il a bien fait, se dit-il, de rejoindre ce groupe des Anxieux Typographiques Anonymes.

jeudi 13 septembre 2018

Syméon Claudex patine depuis deux jours sur cette histoire de parenthèses et de tirets cadratins. Bien sûr, il pourrait faire un choix rapide et écrire en usant, par exemple, de parenthèses. Évidemment il ne s'agirait pas de mettre aux phrases des parenthèses pour le plaisir d'en mettre. Non. Il utiliserait des parenthèses seulement si c'était nécessaire. Le fait qu'il n'ait pas encore eu besoin d'en mettre aux phrases ne signifie pas qu'il n'en faudra pas à l'avenir. Mieux vaudrait avoir fait un choix avant d'être face à l'alternative. Mais Syméon Claudex ne parvient pas à faire ce choix. Alors, se dit-il, je pourrais mettre des parenthèses et, quand le roman sera achevé, si j'ai changé d'avis, je n'aurai qu'à remplacer toutes les parenthèses par des tirets cadratins grâce à mon logiciel de traitement de texte.

Voilà à quoi Syméon pense pendant qu'il court. Il court pour se changer les idées, mais la course est inconfortable.

Et si, en changeant d'un clic les parenthèses pour des tirets cadratins, je supprimais des parenthèses qu'en réalité je souhaite conserver, se dit-il - après tout, on peut souhaiter user parfois de parenthèses, et parfois de tirets cadratins.

Je dois garder en tête l'objectif final, pense Syméon Claudex. Écrire un roman minéral. Lancer la révolution minérale de la Littérature et... mais cette course est vraiment douloureuse ! Quelque chose le gêne dans sa chaussure. Ce doit être un caillou.

mercredi 12 septembre 2018

Les parenthèses, c'est évident, répond VoltaireHugo1515 sur le forum Langue-francaise-trucs-et-astuces.fr. Les tirets cadratins sont une coupable complaisance envers une pratique anglicisante. À proscrire !!!

Tous ne sont pas de cet avis.

Une certaine JessiLit réplique qu'il faut arrêter de se faire chié avec des vieille règles ! On s'en fout t'as qu'à écrire ce que tu sens comme tu sens! (ici est inséré un petit visage qui fait un clin d'oeil). En tout cas des tiret quadratins je connaissais pas ! MDR !, ajoute-t-elle. VoltaireHugo1515 répond qu'au point où elle semble en être, JessiLit peut aussi bien inventer de toutes nouvelles règles. Intervient ensuite MaîtresseCappellotractée qui se fait un devoir de préciser que l'usage du tiret cadratin n'a rien d'anglo-saxon et est en français, au contraire, très ancien — à tel point qu'il est en déshérence. JessiLit tire la conclusion qu'elle avait vraiment raison alors de dire que les règles c'est fait pour ceux qui on pas l'imagination de la création. Et elle ajoute : Freestyle !

La Littérature est comme la gastronomie, pense Syméon Claudex, qui parfois somme le gourmet de choisir entre un pis de chèvre faisandée dans sa sauce au munster et un bouillon de betteraves sucrières, copeaux de chocolat blanc, vergeoise et chantilly double crème.