mardi 25 septembre 2018

"Si elle avait eu le moindre moyen de se mouvoir, Deinococcus radiodurans eût pu quitter son anfractuosité, arpenter les aspérités de la roche basaltique et se glisser au fond d'une anfractuosité voisine. Là, si elle avait eu un quelconque organe sensible, elle eût pu comprendre qu'elle était en présence d'une autre Deinococcus radiodurans. Elle eût alors pu sentir l'angoissante lourdeur de l'air pesant sur la scène d'un crime, car si elle avait eu des yeux, elle eût pu découvrir que cette autre Deinococcus radiodurans, si semblable à elle-même, avait été assassinée - à condition, évidemment, qu'il existât quoique ce soit qui permit à une Deinococcus radiodurans d'en assassiner une autre, à commencer par un peu de méchanceté et un cerveau pour préméditer le crime. Deinococcus radiodurans eût-elle pu sentir la présence du meurtrier, Deinococcus radiodurans, caché dans un repli de la roche, attendant d'en sortir au moment opportun pour se présenter comme le témoin innocent de la scène au moyen d'un discours mensonger servi avec aplomb, et cela s'il avait été doué d'un organe phonatoire permettant le langage et la duplicité ? 

Peut-être. 

Mais Deinococcus radiodurans n'avait aucun moyen de se mouvoir."

Ayant relu ce passage, Syméon Claudex se demande si l'introduction d'une bactérie dans son roman minéral ne va pas rapidement le faire tourner en rond.