lundi 27 août 2018

Ce soir, Syméon Claudex a bu beaucoup de vin. La déesse de la Littérature lui apparaît au bout du couloir qui mène à sa chambre. S'il tendait le bras, Syméon Claudex pourrait la toucher. Elle lui sourit amoureusement tandis que le vin ouvre grand son esprit. Alors qu'il se sentait bloqué dans son premier chapitre, Syméon Claudex a le sentiment que tous les mystères de l'univers viennent de se révéler à lui. La langue, le rythme, le style, la sonorité parfaite de ses phrases et la force de leur message : en pensée tout se met en place et s'imbrique à la perfection. Des formulations parfaites jaillissent à la surface de sa conscience. Il se récite mentalement tout un incipit bien plus puissant et évocateur que celui qu'il a écrit. Les mots et les phrases qui en découlent le mènent droit à la fin du chapitre avec grâce et fluidité. Son roman des roches, de la lave et de la poussière devient l'écrin d'un langage poétique dépassant de loin l'expression de la minéralité du monde. Oui ! C'est comme ça qu'il faut faire, pense-t-il ! Tout est clair enfin malgré l’ivresse, et parfaite cette première phrase qui ouvre la salle des trésors littéraires. Si parfaite que je ne pourrai jamais l'oublier, pense Syméon Claudex avant de sombrer, heureux et impatient, dans un sommeil alcoolisé dont il émerge au matin, ne conservant de la veille que le souvenir d'avoir eu l'idée d'une phrase impeccable dont il ne peut pas même se rappeler le premier mot.