mercredi 5 juin 2019

Syméon Claudex allonge la foulée. Il aperçoit la ligne d'arrivée de la course. Ces dix kilomètres pourraient ne jamais finir, se dit-il. Il repense à son roman minéral, et à la difficulté d'écrire le dernier chapitre. Ne jamais terminer ce roman, ne jamais cesser de l'écrire, pense-t-il. Comme cette course de dix kilomètres : il pourrait passer la ligne d'arrivée et poursuivre la course à grande foulées, courir et courir encore, dans la perfection des mouvements, et même, dans l'élégance des gestes. Comme les coureurs au ralenti sur la plage dans "Les Charriots de feu", pense-t-il. Ou comme Bernard Moitessier ne bouclant pas son tour du monde et poursuivant la navigation sans fin, dans un acte de poésie sublime et de liberté absolue. Ne pas clore ce roman minéral et ne pas cesser la course. Quel geste grandiose ce serait, se dit-il encore, et je ne... Mais il est interrompu dans sa réflexion car, à quelques mètres de la ligne, le voici qui trébuche sur une grosse pierre saillant du sol et, après quelques mouvements pour conserver son équilibre, s'effondre dans la poussière du chemin en se cassant une dent sur le piquet soutenant la banderole d'arrivée.