vendredi 21 juin 2019

Après avoir passé toute une journée à la tâche, Syméon Claudex a accouché de trois phrases qui semblent un début prometteur pour son dernier chapitre. Il est plus de minuit. C'est décidé, Syméon Claudex n'ira pas dormir. Il sent le vent gonfler ses voiles. Il se sent prêt à poursuivre toute la nuit l'aventure de l'écriture et, qui sait ? au matin, peut-être aura-t-il accumulé une matière suffisante pour considérer son chapitre en bonne voie d'achèvement ! Le voici donc phrasant des phrases comme un pommier des pommes, une poule des œufs, une mitraillette des balles, "des analogies bien banales", lui fait remarquer le policier qui vient d'entrer dans la cuisine et lit par dessus son épaule avant d'ajouter : "ça ne se passera pas comme ça, je vous le dis parce que c'est votre anniversaire, mais je vous laisse cinq minutes, fuyez par le jardin avant qu'ils ne viennent vous arrêter", ce que Syméon Claudex fait immédiatement, prenant juste le temps d'emporter dans sa course son ordinateur et un sabre qu'il décroche d'une cheminée qui vient de surgir sur son passage, tandis qu'il sent son cœur battre comme il se fraye un chemin à coup de lame dans l'épais tissus de lianes et de plantes tropicales qui poussent au fond du jardin, afin d'atteindre le mur sur lequel il pourra marcher discrètement pour quitter le pâté de maison et aboutir directement au port, insensible au filet de bave qui s'écoule de ses lèvres entrouvertes et s'accumule en flaque sur la table de la cuisine où sa tête endormie s'est posée.